Dans un autre monde, dans une autre vie, quand l’apprentissage n’était pas encore ce qu’il est devenu.. C’est l’histoire d’une méprise rendue évidente par une sombre bourde, ou lorsque les sentiments s’expriment plus que maladroitement, mal tout court !
Il était une fois un jeune homme au cœur d’artichaut qui, dans sa région natale, rencontrait une jeune belle inaccessible, aussi native de l’endroit. Inaccessible, sur l’instant, il ne le savait pas encore. À leur première rencontre, il ne vit qu’un regard lumineux éclairer un joli visage avant d’entendre une douce voix. Sous le charme, il décidait les semaines suivantes de tenter de percer ce qui s’annonçait fort comme un mystère, une sorte de “tu me crois là, je suis ici”, exprimé par un désaccord sensible entre ce qui transpirait de la belle et ce que lui voyait et entendait.
Au fil du temps et de leurs conquêtes respectives chacun de leur côté, un petit “truc” semblait ne pas s’éteindre, petit morceau d’attirance (à moins que ce ne fût autre chose), mais toujours teinté de ce désaccord mélodique. Malgré tout, il fut conquis pas sa personnalité, son regard sur la vie, sa façon clairvoyante de considérer les personnes et les faits, ses capacités d’analyses et de réflexions. Il apprit beaucoup d’elle sur ces sujets de fond au point, parfois, de constater qu’elle agissait comme lui ne faisait pas. Un jour, même, ne manqua pas de le marquer mais, si je vais par là, je m’éloigne du sujet...
Puis leurs vies respectives les séparèrent quelques années et, à la faveur d’une étrange coïncidence professionnelle, ils se recroisèrent dans une ville plutôt éloignée de leurs “aires de jeux” favorites, comme en terrain neutre. Mais, alors que ce décor inhabituel aurait pu être propice à une nouvelle “rencontre”, de nouvelle bases pour leurs échanges, il n’en fut rien ! Ce qui jamais ne les avait quitté les accompagnait encore : le désaccord.. Elle était sur une gamme de Mi majeur, lui était plutôt vers un Do mineur. En musique, ça donne des richesses mélodiques, en relations humaines c’est beaucoup plus relatif..
L’impensable et le vase qui se brise
C’est à la suite de ça que vint l’impensable méprise, douce erreur aux conséquences funestes. Dans son emportement à vouloir fêter ces retrouvailles, il eut un geste malheureux car ... elle n’était pas seule ! Pourquoi l’avait-il oublié ? Il ne l’avait pas oublié, il savait que la belle avait elle aussi une vie et il ne souhaitait pas convoiter une quelconque place qu’il n’aurait de toutes façons jamais eue. Il savait que si, peut-être, il avait eu l’ombre d’une chance, cette chance s’était évaporée depuis des années déjà.. Non, il voulait juste dire « je t’aime » à une amie, pas comme on le ferait à une éventuelle nouvelle conquête. Et il n’avait surtout pas prévu que son homme serait là le jour de la réception du bouquet...
Bref, notre beau jeune homme avait fait parvenir à la belle un joli bouquet de roses multicolores par le biais d’une boutique bien connue dans le pays.. Funeste geste, vous disais-je... Si, si. Sur l’instant, il n’en sut rien, la belle préféra garder le silence, conserver pour elle ce qu’il découvra quelques semaines plus tard en tentant de la contacter. Elle ne lui dit qu’une chose, la triste vérité quant à son geste et ses conséquences. Ce fut court, deux phrases tout au plus, d’ordre général sans les détails, mais explicites : oui son homme était là ce jour là et oui elle a passé un sale quart-d’heure !
Dès lors, ce qui était déjà frêle dans leur relation finit par se briser. Il devenait clair que plus jamais elle ne le regarderait de la même manière, plus jamais elle ne lui offrirait son petit côté sincère et presque naïf, plus jamais elle ne lui offrirait non-plus la même complicité. Sur l’instant, notre jeune homme s’est retrouvé entre colère et fatalisme. Fatalisme car, après tout, comment revenir sur un méfait pareil et la très probable perte d’une amie qui lui était chère ? Colère, surtout, car pourquoi ne lui a-t-elle rien dit, pourquoi n’a-t-elle pas osé le rabrouer pour ces fleurs finalement assassines ? S’est-elle au moins défendue face à son homme en envoyant ce qui n’était que la vraie vérité, que ce bouquet ne venait que d’un ami, en se permettant, pourquoi pas, d’ajouter le fait que cet ami était un doux rêveur à la fois fleur-bleue et un peu fou aux gestes sans grande importance, d’ailleurs courants pour lui à cette époque, un garçon donc particulièrement pas “dangereux” ? A-t-elle insisté face à son homme sur le fait que ce doux “petit prince” n’était pas du tout celui qu’elle recherchait, le genre avec qui elle souhaitait construire une vie, car, si cela avait été le cas, elle se serait évadée sur la Lune en sa compagnie depuis longtemps ? Peut-être n’a-t-elle tout simplement pas osé, eu le temps ou la présence d’esprit d’imaginer et d’exprimer ce qui aurait pu, dans le fond, être crédible.. Peut-être aussi que l’emportement de son homme a été tel qu’elle n’a même pas pu en placer une ! Finalement, notre fleur-bleue n’eut de colère que contre sa propre bêtise...
Épilogue
Ce que je sais de la suite de cette histoire, c’est qu’avec le temps la belle a manifestement repris du poil de la bête, qu’elle a eu un dernier coup d’accroc avec ce cœur d’artichaut quand lui-même voyait sa vie s’effondrer pour d’autres raisons peu après le début de notre millénaire, qu’elle est restée dans sa région d’origine et qu’elle a eu descendance quelques années après.. Ne me demandez ni avec qui ni même si son homme de l’époque est finalement resté, en recueillant son récit je ne me suis pas senti d’oser insister : il m’a semblé que quelques griffures avaient subsisté, à moins qu’elles ne soient des blessures venues s’ajouter à d’autres déjà très présentes par ailleurs...
Quant à notre cœur d’artichaut, après avoir reconstruit ce qu’il a eu à reconstruire, il n’a plus remis les pieds dans sa région natale et ne compte manifestement pas y retourner.. À l’écouter, j’ai senti qu’il y repassera peut-être un jour, si sa route l’envoie par là ; cependant, il est des portes auxquelles il n’osera peut-être pas frapper.. Mais, s’il est clair qu’on ne l’y reprendra plus, il n’est pas devenu cœur de pierre pour autant, plutôt cœur de cuir, car l’expérience lui a appris qu’on ne s’exprime pas toujours impunément, qu’il faut très souvent réfléchir, surtout dès que ça touche aux sentiments, aux émotions, à l’intime.. Une autre leçon qu’il aura apprise de la belle..
Voilivoilou ...
P.S. : je sens qu’avec mes histoires je vais finir par me froisser avec de vrais gens, moi ... Au moins, au travers de toutes sortes d’erreurs diverses et variées dont probablement au niveau du style, j’apprends à écrire et à raconter.. Et je les remercie d’être des sources d’inspiration ..